DIAGNOSTIC
Le polymorphisme des manifestations inaugurales de l'embolie pulmonaire ainsi que le manque de spécificité des signes fonctionnels expliquent les difficultés du diagnostic et le fait que l'embolie pulmonaire soit souvent méconnue en clinique.
1. Signes fonctionnels :
1.1 - Les signes pulmonaires ne sont pas toujours au premier plan du tableau clinique mais sont toujours présents :
dyspnée constante sous forme de polypnée superficielle d'autant plus intense que l'embolie pulmonaire est plus sévère,
douleur thoracique, le plus souvent sous forme de point de côté basi-thoracique, parfois sous forme de douleur rétrosternale d'allure angineuse,
toux irritative,
hémoptysie, signe tardif et très inconstant, le plus souvent limitée à quelques crachats sanglants,
la cyanose est rare, apanage des formes sévères.
1.2 - Les signes extra-pulmonaires :
syncope au lever, toujours signe d'une embolie pumonaire sévère,
choc inaugural,
anxiété inexpliquée accompagnée de dyspnée,
fièvre souvent retardée par rapport au début clinique,
oedème aigu du poumon rare mais particulièrement trompeur,
douleur abdominale de l'hypochondre droit, hépatalgies pouvant en imposer pour un syndrome abdominal chirurgical.
tableau 1. Signes fonctionnels rencontrés dans l'embolie pulmonaire selon Stein.
tableau 2. Signes physiques rencontrés dans l'embolie pulmonaire selon Stein.
chez le malade cardiaque, l'embolie pulmonaire peut se manifester seulement par une recrudescence dyspnéique, de la fièvre, un accès de dyspnée inexpliquée ou une poussée d'insuffisance cardiaque en dépit d'un traitement correctement équilibré,
enfin, certaines formes sont révélées par une mort subite. Ces formes ne sont qu'exceptionnellement inaugurales, la plupart du temps, il s'agit d'une récidive d'embolie pulmonaire.
2 - Examen clinique :Il est remarquable par sa pauvreté. Le tableau caractéristique de l'embolie pulmonaire est celui d'une dyspnée sans raison apparente.
2.1 - L'examen pulmonaire est pauvre. Peuvent exister des râles crépitants de foyer de condensation ou des signes d'épanchement pleural. Ces signes sont tardifs.
2.2 - L'examen cardiaque ne révèle le plus souvent qu'une tachycardie :
l'éclat du deuxième bruit au foyer pulmonaire, le signe de Harzer, le galop droit xyphoïdien, l'hépatomégalie douloureuse avec reflux sont des signes d'embolie pulmonaire très sévère et sont d'observation difficile,
la tension artérielle est le plus souvent conservée,
une chute tensionnelle, a fortiori accompagnée de signes droits, et d'une réduction de la diurèse indique une embolie pulmonaire grave,
le pouls paradoxal de Kussmaul s'observe dans les embolies pulmonaires sévères,
dans les embolies pulmonaires gravissimes, le tableau peut être celui d'un état de choc avec dyspnée, cyanose et lividités périphériques,
des signes patents de thrombose veineuse profonde n'existent que dans un cas sur deux,
les signes de thrombose veineuse profonde pelvienne sont très rares et inconstants. Le ténesme vésical ou rectal est rarissime. Les touchers pelviens sont rarement concluants.
3 - Examens complémentaires de débrouillage :
3.1 -
Radiographie de thorax :
réalisée au lit et en urgence, elle est rarement de bonne qualité. Certains signes sont d'observation difficile.
La distension des artères pulmonaires et/ou des cavités droites sont des signes classiques en fait impossibles à apprécier sauf rétrospectivement.
Le signe de WESTERMARK ou hyperclarté du côté embolisé est hautement spécifique de l'affection mais difficile à reconnaitre sur un cliché fait au lit. Il est fugace et précoce. Il est souvent reconnu rétrospectivement
.
Certains signes sont caractéristiques mais souvent tardifs :
la surélévation d'une coupole diaphragmatique du côté embolisé,
les atélectasies en bande, opacités linéaires sus-diaphragmatiques hilifuges,
les aspects d'infarctus, rarement triangulaires à sommet hilaire, le plus souvent opacités arrondies semi-circulaires à base pleurale ou diaphragmatique,
un épanchement pleural réactionnel.
Un cliché de thorax normal ou apparemment normal est souvent observé au début de l'évolution. Il n'élimine en aucune façon le diagnostic. Au contraire, la survenue d'une dyspnée intense sans anomalie parenchymateuse ou pleurale est très suggestive de l'affection.
3.2 - L'électrocardiogramme :
Comme pour la radiographie du thorax, les signes ont de la valeur s'ils évoluent au cours d'examens successifs ou si on dispose d'un tracé antérieur. Aucune anomalie n'est spécifique de l'affection. Dans 25 % des cas, l'électrocardiogramme est normal ou ne montre qu'une tachycardie sinusale isolée. Les anomalies, lorsqu'elles existent sont en règle générale signe d'une embolie pulmonaire topographiquement étendue. On peut observer des anomalies du rythme, du complexe rapide et/ou de la repolarisation :
déviation axiale droite avec report de la zone transitionnelle à gauche,
aspect S1 Q3 peu fréquent, très classique, non spécifique,
bloc incomplet droit, bloc complet droit , ce dernier est l'apanage des formes majeures d'embolie pulmonaire,
troubles de repolarisation dans le territoire antérieur avec inversion de l'onde T de V1 à V3 pouvant en imposer pour une pathologie coronarienne,
fibrillation ou flutter auriculaires paroxystiques sont rares, apanage des formes majeures.
3.3 - Examens biologiques :
Les dosages enzymatiques n'ont aucune valeur. L'élévation des LDH n'est ni sensible ni spécifique, l'élévation des PDF ne prouve pas l'embolie pulmonaire mais plaide en faveur d'une maladie thrombo-embolique.
La gazométrie sanguine montre une hypoxie, hypocapnie alcalose. L'hypoxie est inconstante. Son absence n'élimine pas le diagnostic d'embolie pulmonaire même étendue. On estime qu'elle fait défaut dans 5 % des embolies pulmonaires graves.
Une hypoxie inférieure à 6,6 kPa témoigne d'un trouble sévère de l'hématose. Elle doit faire considérer l'embolie pulmonaire comme grave. Cela correspond le plus souvent à une oblitération d'au moins 45 à 50 % du lit vasculaire pulmonaire. Toutefois, une hypoxie marquée peut s'observer en cas d'oblitération artérielle pulmonaire discrète avec cardiopathie ou broncho-pneumopathie antécédentes. Inversement, une PO² normale s'observe dans 10% des embolies pulmonaires massives. L'intensité du trouble de l'hématose est un des facteurs de gravité.
D-Dimères
Un taux normal de D-Dimères (<500 ng/ml) produits spécifiques de dégradation de la fibrine, permet d'écarter le diagnostic de thrombose en évolution.
Un taux élevé de D-Dimères ne permet pas de l'affirmer. Un taux >1000 ng/ml se voit aussi bien en cas de thrombose veineuse profonde que d'infection profonde de maladie inflammatoire. En d'autres termes, la sensibilité du dosage est très élevée, mais la spécificité est très basse.
4 - Au terme de l'examen clinique et après réception des examens paracliniques, la suspicion d'embolie pulmonaire est plus ou moins forte. La confirmation du diagnostic ne peut être apportée que par des examens complémentaires orientés.
La gravité clinique est déduite du retentissement cardio-vasculaire et du retentissement sur l'hématose. Schématiquement, trois tableaux différents peuvent être dégagés. Ils commandent la conduite du diagnostic et de la thérapeutique.
4.1 - tableau d'infarctus pulmonaire :
Il n'existe pas de signes de gravité hémodynamique. La scène clinique est faite de douleurs thoraciques, toux, crachats hémoptoïques, avec images thoracique anormale faite de condensation, atélectasie en bande, et/ou épanchement pleural. Ces formes représentent 30% des cas.
4.2 - tableau de dyspnée isolée :
Dans ce cas, la scène clinique est seulement faite de dyspnée sans signes de gravité hémodynamique. L'examen est pauvre, le diagnostic est difficile en l'absence de signes de phlébite ou de contexte particulièrement évocateur. Ces formes représentent 50% des cas.
4.3 - tableau de coeur pulmonaire aigu :
Observé dans 20% des cas, il est fait de dyspnée sévère, parfois tableau asphyxique avec sis hémodynamiques de mauvaise tolérance sous forme de signes droits d'intensité variable. Les gaz du sang sont perturbés avec hypoxie < 6.6 kPa. L'indice d'obstruction vasculaire est élevé, souvent supérieur à 50%. Un collapsus cardiovasculaire inaugural peut s'observer. Le pronostic vital est engagé.